Franky Zapata, Stakhanov de la startup nation

Qui n'a pas entendu parler de Franky Zapata, l'inventeur du « Flyboard Air » ? Ce patron marseillais bénéficie, depuis sa démonstration spectaculaire du 14 juillet face à la tribune officielle, d'une couverture médiatique aussi généreuse qu'élogieuse. Mais celle-ci n'est absolument pas anodine. La promotion du personnage, voulue par l'Élysée, contribue à un discours idéologique marqué à travers un récit qui lui est totalement conforme.

Ce discours idéologique, c'est celui de la « startup nation » : l'innovation serait en grande partie une affaire de génie individuel et de prise de risque due aux entrepreneurs et au secteur privé. Un discours qui prône un rôle plus en retrait de l'État - trop normé et contraignant -, une politique fiscale plus à l'avantage des investisseurs privés, et qui vient justifier une meilleure rémunération des actionnaires.

Comment le personnage Franky Zapata, ou du moins le récit de son histoire, alimente-t-il ce discours ? D'abord, parce que Franky Zapata est une victime de l'État-contrainte qui paralyse l'innovation. Comme BFM TV se plaît à le rappeler, « Lorsqu'il a lancé le Flyboard Air, Franky Zapata a risqué jusqu'à 10 ans de prison pour avoir testé sa machine ». Il avait en effet volé sans autorisation de la direction générale de l'aviation civile. Mais comme disait Macron lui-même face à un parterre d'étudiants américains : « You don't always have to follow the rules » ! On le voit bien, la rigidité stérile de l'État se dresse comme un obstacle à l'inventivité fertile de nos entrepreneurs. Ce n'est pas pour rien que l'AFP a tenu à produire une indispensable dépêche au sujet de l'« "avis défavorable" » émis par la préfecture maritime à propos de la tentative de traversée de la Manche de Franky Zapata.

Cette ingratitude de la France a bien failli faire fuir l'« homme volant » à l'étranger. Il affirme s'être demandé « s’il n’allait pas quitter la France pour les Etats-Unis ou pour un pays du Golfe », alors même « [qu'un] gros investisseur d’Abu Dhabi [lui avait proposé] 40 millions d’euros » (20 Minutes). Une ingratitude nationale réparée par Florence Parly : le ministère des Armées a en effet investi 1,3 million d'euros dans le projet en 2018 (Ibid). Il faut soigner nos talents...

Franky Zapata, c'est aussi l'histoire d'un self-made man au « destin fou » (20 Minutes), qui ne doit son succès à personne, et encore moins à l'école : cet « autodidacte qui ne lâche rien » (Le Parisien) l'a en effet quittée à 16 ans.

Autour de lui, règne un langage qui épouse parfaitement la novlangue néolibérale. D'abord, par un discours niais sur l'échec : « On apprend, on échoue pas » (Franky Zapata pour France Info), « Touché mais pas coulé » (Le Parisien). Car bien sûr l'échec est permis à tous... Il rentre également dans le moule du solutionnisme technologique, en se définissant lui-même comme « solutionneur de problème » (sic) (20 Minutes).

Les médias, donc, en alimentant ce récit avec autant d'enthousiasme, contribuent à ce qu'il faut bien appeler une opération de propagande : là où Stakhanov incarnait le national-productivisme soviétique, Franky Zapata et son gadget incarnent parfaitement le startup-nationalisme de la Macronie. Certes, l'histoire de Franky Zapata n'est pas une fiction. Il ne s'agit pas d'accuser la presse citée ici de l'avoir romancée. Mais simplement, et c'est déjà pas mal, d'avoir suivi avec le discernement qu'on lui connait l'opération de communication du pouvoir.

Européennes : pour que la France Insoumise soit au service de la souveraineté populaire

« Il n'est pas de politique progressiste possible dans le cadre des traités européens ». À l'approche des élections européennes, cette phrase de Frédéric Lordon devrait être le point d'accord préalable à toute discussion sur la question de l'UE pour qui prétend à une politique « sociale » ou « de gauche » - quoiqu'en disent les résidus hypocrites du Hollandisme qui promettent encore l'« Europe sociale » à traités constants. François Mitterrand, dans un contexte certes bien différent, avait déjà admis lui-même en 1983 - année du renoncement - cet antagonisme : « Je suis partagé entre deux ambitions : celle de la construction de l’Europe et celle de la justice sociale. ». Il fit un choix - le mauvais -, qui fut par la suite le choix systématique du parti socialiste, les 40 années qui s'ensuivirent.

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Compatibilité des programmes à la Présidentielle

J'avais calculé le taux de compatibilité des programmes des 11 candidats à la Présidentielle à partir d'un comparateur mis au point par Le Monde. Les journalistes y ont comparé les propositions de chaque candidat sur plus de 80 questions, et les ont regroupées lorsqu'elles étaient jugées suffisament similaires. Il suffit alors de calculer, par exemple, le pourcentage de solutions partagées pour chaque paire de candidat. Cette façon de procéder, bien sûr, est limitée, mais l'avantage est qu'elle est peu biaisée puisque les calculs ont été effectués séparément des choix arbitraires de la rédaction du Monde. Au final, le résultat est le suivant :

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Report de voix entre Présidentielle et législatives

Dans un billet précédent, je publiais les estimations de trajectoires de vote entre le référendum de 2005 et le premier tour de la Présidentielle de 2017 obtenues par "inférence écologique". J'ai appliqué la même méthode au report du premier tour de la présidentielle au premier des législatives. Pour plus de détails sur la méthode, je vous renvoie vers l'article en question. En attendant, voici les résultats - en gardant en tête que la marge d'erreur est de plusieurs points :

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